Magazine Vivre Ensemble : " Les Enfants de la Balle font le pari de l'inclusion sportive "
Le premier match de Max, tout le monde s’en souvient comme si c’était hier. Les faits remontent pourtant à plusieurs mois mais l’émotion est toujours intacte. « Quand Max est entré sur le terrain, tous les spectateurs hurlaient son nom ! Et aussitôt, il a mis un panier ! Il était fou de joie ! Il avait des étoiles dans les yeux… Dans les gradins, sa mère exultait. C’était magique ! », se souvient Grégory Duponchel, lui aussi touché par l’émotion en se remémorant cet instant formidable. Qu’importe si, ce jour-là, son équipe, celle de Seclin, s’est inclinée contre Tourcoing. Le président du club de basket est d’autant plus admiratif du parcours de Max, un jeune autiste Asperger de 15 ans, qu’il a tenté une première expérience « inclusive » par le passé qui n’a malheureusement pas été concluante. «C’était il y a deux ans. J’avais accepté d’entraîner une jeune fille autiste. J’avais essayé mais cela s’était avéré compliqué. Il y avait le regard des autres enfants, le fait que je doive répéter plusieurs fois les consignes… Ce n’était vraiment pas facile. Au bout de huit mois, la jeune fille a arrêté. J’étais forcément un peu déçu. » Pour Grégory Duponchel, le succès de l’intégration de Max s’explique en grande partie par l’appui des Enfants de la Balle. Cette association accompagne les clubs de sports désireux d’accueillir des enfants en situation de handicap quelle que soit la nature du handicap. « Dans la pratique, nous intervenons surtout auprès d’enfants autistes ou porteurs de troubles du neuro-développement », explique sa directrice, Margot Debaisieux. L’histoire de l’association débute en 2017 avec Lucien, un petit garçon qui joue avec son grand-père dans un club de footsal à Villeneuve-d’Ascq. Dix-huit mois après l’arrivée de ce petit garçon extra-ordinaire parmi les enfants dits « ordinaires », le club accueille 40 enfants en situation de handicap. Rapidement, l’expérience fait boule de neige. L’association développe une méthodologie d’accompagnement pour aider les clubs à devenir inclusifs. « Le but est de proposer quelque chose de simple. Il ne s’agit ni de créer une section à part ni de changer la vie du club », prévient la responsable. Et visiblement, la formule fonctionne : 80 clubs sont aujourd’hui partenaires des Enfants de la Balle. Plus de 500 enfants extraordinaires ont pratiqué ou pratiquent encore un sport dans contre un club ordinaire. L’association, qui compte six salariés, est de plus en plus souvent contactée par de nouveaux clubs, ou par des parents d’enfants en situation de handicap.
Des aidants de vie sportive
« La première chose que nous faisons est de rencontrer le club pour vérifier que nous partageons les mêmes valeurs, indique Margot Debaisieux. Notre philosophie, c’est de rendre le sport accessible à tous. Nous ne visons pas la performance sportive mais la performance sociale. » Le club qui adhère aux Enfants de la Balle (100 € de cotisation pour deux ans) bénéficie d’un accompagnement complet qui comprend différents aspects. L’association sensibilise tout d’abord les encadrants sportifs aux handicaps. Elle rencontre la famille et le jeune concerné pour connaître ses besoins, ses envies et leurs attentes. Elle se charge également de recruter l’« aidant de vie sportive». Ce bénévole, lui aussi sensibilisé au handicap par l’association, joue un rôle fondamental dans le dispositif. Sa mission consiste à accompagner le jeune à chaque séance de sport. « Il est là pour le rassurer, l’encourager, répéter la consigne, le soutenir émotionnellement… Il peut aussi lui proposer une pause à l’écart du groupe s’il a besoin de se reposer ou d’être au calme », détaille Margot Debaisieux.
Des outils adaptés
Pour les coachs, la présence de cet aidant de vie sportive constitue un vrai plus. « En tant qu’entraîneur, je ne peux pas concentrer mon attention en permanence sur un seul jeune, sinon c’est ingérable. Il faut que je m’occupe de tout le groupe, soit une quinzaine d’enfants », explique Louis Desbonnet, entraîneur et référent para-tennis au club de tennis La Raquette de Villeneuve-d’Ascq, qui accueille Cyriel. Un sentiment partagé par Grégory Duponchel: « La crainte que l’on peut avoir en tant que coach, c’est que l’enfant en situation de handicap ralentisse le groupe. Mais avec l’AVS, ce n’est pas du tout le cas, c’est ça qui est absolument génial ! »
Autre atout qui fait toute la différence : le suivi régulier assuré par les Enfants de la Balle en lien avec la famille, les entraîneurs, l’aidant de vie sportive, et, si besoin, les professionnels paramédicaux qui accompagnent le jeune. Des outils peuvent être ainsi proposés et adaptés à chaque situation. « Pour Cyriel, nous avons créé un espace où il peut se ressourcer, illustre son entraîneur. Nous lui faisons aussi un plan de séance sous forme de fiches où il peut rayer au fur et à mesure les activités qu’il a réalisées. Ce sont des outils qui l’aident beaucoup. La semaine prochaine, nous essaierons le timer pour l’aider à mieux se repérer dans le temps…», poursuit Louis Desbonnet.
Résultat : l’inclusion sportive fonctionne. Avec, à la clé, de nombreux bénéfices pour les jeunes concernés. Le sport présente en effet de nombreux bienfaits, sur le plan physique et moteur, mais aussi en matière d’estime de soi, de relations sociales, de changement de regard sur le handicap… Maryline, la mère de Max, le constate. « Le basket a aidé Max à mieux gérer ses émotions et à prendre confiance en lui. Nous avons de la chance, il est entouré par de bons jeunes. C’est toute l’équipe qui le porte. Il y a une vraie entraide. »
Sur ce plan-là aussi, l’association des Enfants de la Balle effectue un accompagnement en amont.
« Avant d’accueillir le jeune au sein du club, nous travaillons autour de la communication, explique Margot Debaisieux. Nous donnons une plaquette à afficher dans les locaux du club pour que les autres enfants et leurs parents soient au courant que le club accueille des enfants en situation de handicap. Le but est qu’ils ne soient pas surpris. Cela incite aussi parfois certains parents se portent bénévoles pour devenir aidant de vie sportive. » Un cercle vertueux qui va là encore dans le sens de l’inclusion.
Et parce que le sport ne se limite pas aux seuls entraînements, l’association propose aussi aux jeunes de participer à des moments forts avec, par exemple, des places offertes à des matchs grâce à un partenariat avec le LOSC, le club de foot lillois.
Certains Enfants de la Balle ont même pu officier comme escort kids aux côtés de grands joueurs tels que Lionel Messi ou Kylian Mbappé.
« Ce sont des instants magiques pour les enfants. Certains dorment encore avec la photo sous l’oreiller », confie Margot Debaisieux. La directrice planche sur un nouveau partenariat avec la ligue de tennis des Hauts-de-France, cette fois. Son objectif : permettre à des jeunes d’assister à un match à Roland-Garros. Et ainsi réaliser le rêve d’un des Enfants de la Balle…
C’EST NOTRE HISTOIRE
« Le tennis aide Cyriel dans plein de domaines »
« Depuis qu’il est tout petit, Cyriel demandait à faire du sport comme sa grande sœur. Nous avions contacté des clubs près de chez nous, mais c’était compliqué. Certains avaient tenté l’expérience d’accueillir un enfant à besoin particulier et cela ne s’était pas bien passé, d’autres refusaient tout net… Cyriel a eu une expérience en rugby adapté mais cela ne lui correspondait pas car les séances se déroulaient uniquement pendant les vacances scolaires, ce qui est insuffisant pour une pratique régulière du sport et pour sa socialisation. L’an dernier, Cyriel a dû être déscolarisé en urgence. Nous nous sommes dit qu’il fallait absolument qu’il continue de côtoyer d’autres enfants. Nous avons contacté l’association des Enfants de la Balle que nous avons découvert grâce à internet. Trente minutes seulement après avoir raccroché, l’association nous a rappelés pour nous proposer le club de tennis de la Raquette de Villeneuve d’Ascq. C’était incroyable ! Nathan, un responsable des Enfants de la Balle, est venu nous rencontrer, puis il nous a présenté Francesco qui est devenu l’aidant de vie sportive de Cyriel. Tout s’est vraiment très bien passé. Les entraîneurs du club, les Enfants de la Balle, Francesco : tout le monde forme un cercle vertueux autour de Cyriel. Ils sont attentifs aux difficultés rencontrées par notre fils. Plusieurs choses ont été mises en place pour faire en sorte que tout se passe bien. Francesco encourage par exemple Cyriel à faire des pauses car il ne ressent pas la fatigue de lui-même. Il ne sait pas s’arrêter, ce qui peut entraîner des symptômes. Cet accompagnement lui permet d’apprendre à mieux gérer les sensations de son corps. Globale-ment, la pratique du tennis aide Cyriel dans plein de domaines : il souffre d’une hypotonie du haut du corps (NDLR: l’hypotonie est une faiblesse musculaire). Le fait de tenir une raquette fait travailler ses muscles, son endurance, cela lui demande de la concentration, c’est aussi très important en terme de socialisation. Cyriel est très content d’aller tous les mercredis au tennis. Il adore ça !»
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